La révolution écologique de Thomas Sankara

Plus de trente-cinq ans après son assassinat, la figure du jeune capitaine burkinabé continue d’inspirer. «Planter un arbre est l’une des conditions minimales pour vivre au Burkina. Et dans le monde»

Don Bosco Mullan est un éminent producteur de médias irlandais et un militant des droits civiques. Il est devenu une figure publique après la publication de son livre sur le massacre du Bloody Sunday de 1972, au cours duquel des soldats britanniques ont tiré sur des manifestants non armés en faveur des droits civiques, tuant treize d’entre eux. Ses nombreuses activités l’ont récemment conduit au Burkina Faso, pour un voyage qu’il a décrit comme un « pèlerinage » au lieu de sépulture de Thomas Sankara, le dirigeant révolutionnaire dont les quatre années (1983-1987) au pouvoir ont transformé le Burkina Faso, l’une des nations les plus pauvres d’Afrique de l’Ouest, en un pays d’autosuffisance agricole, avec une alphabétisation de masse, des programmes de vaccination, des réformes majeures en matière de redistribution des terres et d’égalité entre les sexes. (…)

Sankara a été l’un des dirigeants africains les plus attentifs et les plus perspicaces et a surtout compris l’importance de la protection de l’environnement, qui est d’autant plus cruciale dans un territoire fragile comme celui du Sahel. Bien avant de nombreux dirigeants occidentaux, il a compris, en visionnaire qu’il était, les coûts économiques et sociaux que son pays devait supporter en raison de la dégradation de l’environnement. C’est pourquoi l’un des piliers de sa politique de développement est la mobilisation des populations pour la protection de leur environnement Sous son gouvernement, des campagnes collectives ont été lancées et des millions d’arbres ont été plantés pour enrayer la désertification. Chaque événement, baptême, mariage, était l’occasion de planter des arbres. Les hommes politiques étaient « obligés » de travailler un jour par mois dans le jardin de l’Assemblée générale.

Cela a conduit à une mobilisation massive des personnes qui ont compris le sens et la portée de cette décision : construire un pays de leurs propres mains ! C’est l’idée maîtresse de la vision de Thomas Sankara. Il a également compris le lien entre le mode de production et de consommation capitaliste et la dégradation de l’environnement : « La lutte pour les arbres et la forêt est la lutte anti-impérialiste. L’impérialisme est le pyromane de nos forêts et de nos savanes », a-t-il déclaré dans un discours. Grâce à une gestion réfléchie des eaux de pluie, le Burkina Faso a pu atteindre son objectif d’indépendance alimentaire en trois ans.
Les dégâts actuels causés par le changement climatique dû aux émissions de gaz à effet de serre provenant de la production et de la consommation des pays capitalistes ont confirmé les prédictions de Sankara. Toutefois, son pays et le reste de l’Afrique, qui contribuent moins à la dégradation de la planète en émettant de faibles quantités de gaz à effet de serre, pourraient encore payer un lourd tribut.
Son discours à Paris en 1986, lors de la Conférence internationale Silva pour la protection des arbres et des forêts, a été significatif :

« Huit millions de Burkinabés ont vu mourir leurs mères, leurs pères, leurs filles et leurs fils, la faim, la famine, la maladie et l’ignorance les décimant par centaines. Les larmes aux yeux, ils ont vu les étangs et les rivières s’assécher. Depuis 1973, ils ont vu l’environnement se dégrader, les arbres mourir et le désert avancer à pas de géant. On estime que le désert du Sahel progresse de sept kilomètres par an […] Depuis près de trois ans, mon peuple, le peuple burkinabé, mène une bataille contre l’invasion du désert. Pendant près de trois ans, au Burkina Faso, chaque événement heureux – mariages, baptêmes, cérémonies de remise de prix, visites de personnalités et autres – a été célébré par une cérémonie de plantation d’arbres. Dix millions d’arbres ont été plantés dans le cadre d’un programme de développement populaire de quinze mois, notre première initiative en prévision du plan quinquennal. Dans les villages développés et les vallées fluviales, les familles doivent planter cent arbres chacune par an.
La coupe et la vente de bois de chauffage ont été complètement réorganisées et sont désormais strictement réglementées. Aujourd’hui, chaque ville et village burkinabé possède un bosquet, renouant ainsi avec une tradition ancestrale ».

Le rêve de Sankara a été brisé le 15 octobre 1987, mais le rêve du jeune président assassiné ne semble pas s’être évanoui. À l’époque de Sankara, la capitale du Burkina Faso, Ouagadougou, était entourée d’une « ceinture verte » d’arbres florissants. Une forêt luxuriante dont les générations passées se souviennent. Après la disparition de Sankara et la croissance rapide de la ville, une longue période de désintérêt a suivi. Personne ne s’est plus occupé des plantes, qui ont été en partie oubliées, en partie utilisées comme décharge et en partie exploitées comme bois de chauffage. En 2019, cependant, un projet Mani Tese a été lancé, qui comprend un système d’irrigation dans le district de Kossoghin et une citerne d’eau de pluie avec un périmètre d’irrigation de 300 mètres qui permettra à une association de plus de 40 femmes de cultiver la zone. De plus, grâce à l’aide de divers acteurs locaux, plus d’un millier d’arbres ont été plantés dans la région le même jour, qui disposeront d’une grande réserve d’eau pour se développer et permettre ainsi au bois de Ouagadougou de briller à nouveau comme il l’a fait par le passé. Aussi parce que, comme le disait Sankara : « Planter un arbre est l’une des conditions minimales pour vivre au Burkina, et nous ajoutons « dans le monde » ».

(Marco Aime, africarivista.it, 13.1.2024)